Design : Comment mener un entretien semi-directif ?

Pour créer la meilleure solution possible, un designer doit identifier au mieux le problème qu’il souhaite adresser. Il devient alors essentiel de recueillir des données qualitatives pour mettre en lumière les frustrations de ses potentiels futurs utilisateurs ou bien confirmer certaines hypothèses.

Mais trouver les bonnes questions ne suffit généralement pas, il est nécessaire de les poser de la bonne manière, de façon à récolter un maximum d’informations de qualité et surtout pertinentes pour le projet.

L’entretien semi-directif est justement réputé pour être la meilleure technique à utiliser pour se familiariser avec les attentes de ses utilisateurs.

Pour nous éclairer sur le sujet, nous avons rencontré Mathilde Buenerd, Designer et Développeur Front-End en freelance. Mathilde est également mentor chez OpenClassrooms sur les parcours Développeur Front-end et UX Designer

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un entretien semi-directif ?

C’est un peu comme un jeu de piste dans lequel la mission est d’obtenir le point de vue d’un utilisateur, sans lui poser de questions directes, pour découvrir ses envies.

L’idée, c’est de créer une conversation qui ne donne pas l’impression de subir un interrogatoire. L’interlocuteur peut alors s’exprimer librement et prodiguer des informations de bien meilleure qualité.

De manière générale, l’entretien semi-directif est utilisé dans tout ce qui touche aux sciences sociales. Mais d’un point de vue professionnel, on le retrouve surtout dans le monde de l’expérience utilisateur. Le design d’expérience permet d’élaborer le produit de manière à ce que la navigation soit intuitive et agréable en travaillant sur le parcours utilisateur idéal, les fonctionnalités et les options qui lui seront proposées. Dans un jeu par exemple, on peut utiliser des entretiens semi-directifs pour essayer de déterminer à quelle fréquence les personnes vont y jouer, à quel moment et dans quel contexte.

Quels sont les principaux avantages de ce type d’entretien ?

Contrairement à un simple questionnaire, où la personne se contente de répondre aux questions posées, l’entretien semi-directif prodigue plus de liberté dans les questions, ce qui permet d’improviser et d’aller bien plus loin et plus profond dans l’entretien.

Les entretiens semi-directifs se font en face à face, ils permettent donc de percevoir des choses que l’on ne verrait pas dans un questionnaire en ligne comme les jeux de regard ou le langage corporel en général. Cela prend du temps, en préparation comme en exécution, mais les données récoltées ouvrent incontestablement plus de portes.

Le fait de personnaliser les questions en fonction des réponses de l’usager permet de mieux saisir le point de vue de l’intéressé, que ça permet d’éviter des malentendus ou les erreurs de compréhension qui arrivent couramment dans un questionnaire écrit. L’interrogé peut, par exemple, demander de réexpliquer une question qu’il trouve équivoque, et le designer a également la possibilité de demander des clarifications sur l’une réponses, qu’il n’a pas tout à fait saisie.

Qui interroge-t-on lors d’un entretien semi-directif, et à quel stade du projet ?

En premier lieu, on va chercher à interroger des utilisateurs potentiels du service ou du produit que l’on est en train de réaliser.

Pour des résultats de qualité, il faut faire en sorte d’avoir des profils différents en termes d’âge, de lieu de résidence, d’activité, de sexe et de mode de vie.

Il peut également être intéressant d’interroger des personnes qui n’utilisent pas le service en question, afin de déterminer pourquoi ils ne l’utilisent pas et d’envisager une solution. Par exemple, une marque de café peut très bien se décider d’interroger des gens qui ne boivent pas de café.

En règle générale, c’est en amont d’un projet que l’on cherche à comprendre son périmètre. Une fois que le projet est lancé, on parle plus de tests utilisateur, qui peuvent prendre la forme d’entretiens semi-directifs mais qui n’en sont pas réellement étant donné que l’improvisation est limitée par le prototype ou le produit existant.

Y a-t-il un mode d’emploi ?

C’est une démarche d’observation et d’analyse, il n’y a pas vraiment de mode d’emploi, mais seulement des bonnes pratiques. Chacun peut avoir son style, sa technique et sa créativité. Certaines personnes seront plus communicatives face à des images par exemple, il est donc important de bien préparer ses questions et d’apprendre à adapter son discours en cours d’entretien.

En premier lieu, pour amener la personne à se dévoiler, il est essentiel de poser des questions ouvertes pour susciter des conversations et ne pas hésiter à demander des exemples. Quelques questions doivent être préparées en amont et classées en thématiques, pour ordonner le raisonnement de l’échange mais l’intérêt de cette méthode est justement de pouvoir improviser durant l’entretien en fonction des réponses de l’interrogé. Questionner sur les faits plutôt que sur des opinions permettra de réunir des données moins subjectives et donc plus facile à traiter.

Il faut aussi apprendre à relativiser les propos de la personne interrogée, car cette dernière n’est pas experte et qu’elle ne fait que nous donner des informations personnelles sur ses conditions d’utilisation. C’est pourquoi un entretien semi-directif ne suffit pas, il faut en réaliser plusieurs pour se faire une idée concrète des points de frustration.

Comment discerner une information à traiter d’une autre à ignorer ?

Un entretien semi-directif a pour objectif d’élaborer la plus grande proposition de valeur possible, afin que le produit plaise et se vende.

En fonction du nombre de retours, si certaines remarques reviennent régulièrement, alors il faut se pencher sur la question. Un problème sera identifié en fonction de la quantité de retours négatifs que l’on récolte sur un sujet. Un des nombreux intérêts de l’entretien semi-directif est justement d’aller recueillir des informations de la part de quelqu’un qui a du recul, voire une sorte de candeur, vis-à-vis du produit ou du service concerné. Notamment parce qu’il est commun que l’équipe de développement ait la tête dans le guidon.

Ce modèle a-t-il des limites ?

La principale limite de cette approche, est qu’elle est chronophage ; c’est à dire trente minutes minimum d’entretien, sachant qu’il y a beaucoup de temps de préparation et que le traitement des résultats en demande encore plus.

Il est donc difficile d’interroger beaucoup de monde et on peut rapidement passer à côté d’une information importante en manquant de rigueur. Ces entretiens sont donc à éviter si l’objectif est de récolter des données quantitatives.

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