Les oubliés des formations sur l'informatique

Cette semaine, j'ai eu comme un tilt. Dans la même journée, deux évènements distincts se sont produits. Et ce n'est qu'au moment où j'ai fait la connexion entre les deux que je me suis dit : "mais bien sûr !".

Evènement n°1 : le billet relayé par Hacker News

Donc un matin cette semaine, je parcours le flux RSS de Hacker News (comme pratiquement tous les matins). Et je tombe sur un article dont le titre m'intrigue : Modern Tech Education Isn't Adressing An Important Audience ("l'éducation sur les nouvelles technologies fait l'impasse sur un public important"). Forcément, le sujet m'intéresse. Je lis.On y parle des sites qui marchent fort aux Etats-Unis, notamment Codecademy et Treehouse. Là-bas, la hype veut que tout le monde apprenne à coder. A tel point que le maire de New York, Mickael Bloomberg, avait fait sensation en annonçant qu'il allait apprendre à programmer sur Codecademy. Ce que dit l'auteur de l'article, c'est que tous ces sites oublient de s'adresser à une partie importante de la population. Il y distingue 3 groupes différents d'apprenants sur les nouvelles technologies :

  • Les professionnels du développement : ils ont besoin de se former, c'est leur métier, ils doivent être en mesure de coder en HTML, CSS, PHP, Python...
  • Les professionnels des nouvelles technologies non techniciens : ce sont les chefs de projet, les personnes du webmarketing, certains entrepreneurs... Ils travaillent tous les jours avec des développeurs, ils ont besoin de communiquer avec eux et de les comprendre, et ils cherchent à avoir une culture générale en informatique sans forcément mettre les mains dans le cambouis.
  • Les amateurs : ils ont quelques minutes à tuer et veulent avoir le sentiment d'avoir appris quelque chose aujourd'hui et de se coucher moins bête.

Ce qu'il y dit est simple : il y a des tonnes de sites pour les pros du développement et pour les amateurs. Les pros du développement trouvent toujours des ressources (et surtout ils savent aller les chercher). Quant aux amateurs, beaucoup de sites sont apparus pour ceux qui sont intrigués par les nouvelles technologies et qui veulent faire quelques manipulations rapidement. Je suis convaincu que Codecademy joue plutôt dans cette catégorie. Mickael Bloomberg en est un bon exemple.... mais, il n'y a pas vraiment de sites qui proposent des cours permettant de donner un vocabulaire commun à ceux qui travaillent dans des entreprises des nouvelles technologies (startups, web agencies...). Tout le monde n'est pas un développeur, tout le monde n'a pas envie d'en devenir un. Il y en a que ça amuse, d'autres que ça n'intéresse pas du tout. Par contre, on ne peut pas nier qu'on vit dans un monde qui fait tout le temps appel à ces nouvelles technologies.Qu'est-ce que tous ces gens veulent savoir ? Ils veulent connaître le rapport entre HTML, CSS et JavaScript. Ils veulent comprendre ce qu'est un serveur et un client, et pourquoi on a besoin de bases de données. Ils veulent savoir ce que signifie "déploiement" et comment ça marche. Ou comment fonctionne le monde de l'open-source. Ou, tout simplement, pourquoi il faut privilégier un bon code contre un mauvais code.

Evènement n°2 : le cours du soir

Le soir de cette même journée, j'ai rendez-vous à une formation organisée par un collègue. Le formateur du soir, Marc G Gauthier, s'adresse à un public d'une dizaine de personnes... pour la plupart des non développeurs. Et pour cause, la formation s'intitule "Le Web pour les non développeurs".Je ne fais pas le rapport de suite (je suis peut-être un peu lent du cerveau, surtout en fin de journée*). Ce n'est qu'au milieu de la formation que je fais le lien avec l'article que j'avais lu plus tôt dans la journée.La formation porte sur des concepts comme les clients et serveurs, les protocoles, le rôle de HTML, des noms de domaine, des IP... Sans rentrer trop dans les détails, le formateur couvre ces principaux sujets qui expliquent ce qu'est le Web et comment les évènements interagissent entre eux.Je vois que le public est captivé. Il a soif d'apprendre. Les questions fusent et les participants réagissent. Ils sont par exemple passionnés dès qu'on leur parle des câbles sous-marins qui relient les continents entre eux à Internet. Ou quand on leur montre comment on peut modifier une page en temps réel avec les developer tools de Chrome.Manifestement, les gens sentent qu'il est important de comprendre tous ces concepts. Parfois, j'ai même le sentiment qu'ils veulent en savoir plus que le strict nécessaire. C'est tout juste s'ils ne veulent pas comprendre dans le détail le modèle OSI.Après la formation, j'échange un moment avec certains participants et avec Marc, le formateur. Celui-ci m'apprend qu'il a rédigé un billet sur son blog intitulé "Developers, Share Your Technical Knowledge". Lisez-le, on y retrouve beaucoup d'éléments qui font écho au premier billet que j'ai cité plus haut. Apparemment, son billet a eu un très bon accueil et a accueilli un trafic beaucoup plus fort que n'en ont d'habitude ses autres billets. A mes yeux, c'est un signal.

Conclusion ? On a peut-être oublié (beaucoup) de monde

Les métiers qui gravitent autour de l'informatique sont nombreux. En fait, pratiquement tout le monde aujourd'hui a affaire aux nouvelles technologies et personne n'y échappe vraiment. Tous ces gens, et ils sont nombreux, n'ont pas vocation à devenir développeurs. Ils n'ont pas besoin d'apprendre HTML5 et de connaître les balises par coeur. Pourtant, j'ai le sentiment qu'ils sont en recherche active d'informations expliquant "comment tout cela fonctionne", sans rentrer dans les détails, pour obtenir une culture générale informatique.On ne donne pas ce type de cours à l'école. Je pense qu'on devrait absolument le faire. Le besoin est vraiment grand.Pour moi, le signal est clair : il va être grand temps qu'on remédie rapidement à ce vide d'explications. On ne peut plus attendre de l'école qu'elle le fasse pour nous.  * Et le matin aussi. Ce qui me laisse peu de temps pour être vraiment alerte.

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