Dans l’article précédent, je vous ai proposé une traduction d’une partie du white paper que j’ai rédigé récemment pour les besoins du forum e-accessibilité. Voici aujourd’hui la seconde partie. :o)
Celle-ci porte sur les challenges à venir du e-learning. Il est à la base destiné à ceux qui souhaitent lancer des services de e-learning, mais bien évidemment tout le monde peut le lire et réagir !
Il s’agit dans la pratique d’un ensemble d’opinions et de retours d’expérience de ma gestion du Site du Zéro au fil des années. Comme certains le constateront, tout n’est pas nécessairement pris en compte à date sur le site, mais c’est en tout cas cette direction que nous prenons !
Voici donc ce second extrait traduit du white paper que j’ai rédigé, à paraître dans les mois prochains :
Ne les forcez pas. Motivez-les.
L’e-learning ne devrait jamais être une obligation pour l’apprenant. Vous ne pouvez forcer personne à s’asseoir devant un ordinateur et à regarder (certes, avec un fusil sur la tempe tout est possible, mais là n’est pas la question). Les cours en amphithéâtre sont ennuyeux ; c’est un fait reconnu partout dans le monde. Essayez donc de répliquer ce modèle en ligne et vous serez sûrs de vous planter dès le départ.
Utilisez plutôt l’occasion que vous avez entre les mains pour inventer quelque chose de nouveau, amusant, drôle et… qui donne droit à des récompenses (par opposition à quelque chose d’ancien, répétitif, ennuyeux et où on vous punit si vous n’avez pas fait votre travail).
Vous pouvez par exemple utiliser les concepts de gamification (ludification) pour commencer. Faites de votre cours en ligne une aventure que vos lecteurs ne seront pas prêts d’oublier. Donnez-leur des badges. Faites-le tôt. Montrez-leur ce qu’ils sont en train de réussir et n’oubliez jamais : personne ne les oblige à s’asseoir et à regarder. Ils le font de leur propre chef, parce qu’ils aiment ça. Ce sont eux qui doivent en demander plus.
Les MOOCs et les communautés
Ces temps-ci, on entend beaucoup parler de MOOCs (Massive Open Online Courses). Les gens commencent à créer du contenu e-learning pour un large public (plusieurs dizaines de milliers de personnes), avec un nouvel état d’esprit d’ouverture. Il ne faut pas oublier qu’auparavant, les cours dits « e-learning » étaient plutôt destinés à quelques dizaines de personnes maximum.
On dit qu’il y a 2 types de MOOCs : les xMOOCs et les cMOOCs, le premier étant un cours classique top-down (du prof à l’élève), le second étant un cours communautaire. Pourtant, on voit essentiellement émerger des xMOOCs car ils sont proches des cours traditionnels en université, et donc semblent plus faciles à concevoir.
La notion de communauté est généralement laissée de côté. Cela nous amène au premier problème : se défaire du passé. Nous avons une chance unique aujourd’hui, une chance qui n’arrive peut-être qu’une fois au cours d’une vie, de réimaginer les cours. Pourquoi ne pas les réinventer entièrement ? En utilisant beaucoup trop les codes traditionnels de l’apprentissage, on limite l’innovation et on démarre dès le départ avec toute une série de processus dont on n’a pas besoin. Par exemple, pourquoi les MOOCs devraient-ils être limités dans le temps comme ils le sont aujourd’hui ? Chacun devrait avoir la possibilité d’apprendre quand il le souhaite.
Le second problème est que le contenu que l’on voit émerger aujourd’hui est quasi-exclusivement vidéo. Bien sûr, c’est un média intéressant pour apprendre. Bien sûr, avoir la capacité d’accélérer ou de ralentir une vidéo est déjà un grand pas en avant. Désormais, vous pouvez aussi revenir en arrière à tout moment. Mais cela a un prix : on oublie de faire du contenu accessible en se concentrant uniquement sur la vidéo. Vous ne disposez presque jamais d’une méthode alternative d’apprentissage comme des slides ou une quelconque forme de contenu écrit. Or, si vous ne pouvez pas voir la vidéo, ce sera un problème complètement bloquant pour vous.
C’est une erreur de considérer que la vidéo se suffit à elle-même : les gens ont besoin d’avoir le choix du média qu’ils souhaitent utiliser pour apprendre. L’effort supplémentaire requis n’est pas aussi gros qu’il n’y paraît, parce que la structure du cours n’a besoin d’être créée qu’une seule fois (et c’est une grosse partie du travail). Ce qui est bien c’est que votre effort sera grandement récompensé, pas seulement parce que des visiteurs aveugles pourront désormais utiliser votre cours, mais aussi parce que chacun aura la possibilité d’utiliser le média qu’il préfère, ou une combinaison de ces médias. Cela les aidera d’autant mieux à obtenir ce qu’ils sont venus chercher : la compréhension.
… ce n’est pas ce à quoi doit servir le e-learning justement ?
En résumé
- Ne forcez jamais vos apprenants à s’asseoir et regarder : faites en sorte que le processus d’apprentissage soit entraînant et amusant, pour que ce soit eux qui soient demandeurs de plus de cours.
- Dépassez vos habitudes lorsque vous donnez des cours en ligne, profitez-en pour inventer quelque chose de nouveau avec la technologie disponible aujourd’hui.
- Ne tombez pas dans le piège qui consiste à utiliser chaque nouvelle technologie qui sort juste parce qu’elle est neuve et attirante ! Posez-vous toujours la question : qu’est-ce que ça apporte vraiment aux apprenants ?
Hello,
J’aime vraiment beaucoup l’alliance du traditionnel et du technomoderne proposée ! J’aurais renommé ton « White paper » en « Doctrine SdZ » :o ?
À toute sur le SdZ
Salut !
J’aime beaucoup les articles sur ce blog, et en particuliers les derniers les plus récents. Je voudrais simplement rebondir sur la conclusion de celui-ci. Au passage suivant : « Ne forcez jamais vos apprenants à s’asseoir et regarder : faites en sorte que le processus d’apprentissage soit entraînant et amusant, pour que ce soit eux qui soient demandeurs de plus de cours. » , cela m’interpelle un peu.
En effet, je pense que sur le site du zéro il y a quelque chose de la sorte. Alors peut-être que je me trompe et serait à l’écoute pour essayer de comprendre si ce que je dis est faux et pourquoi. En fait, je veux parler de l’inscription obligatoire sur le site pour accéder aux QCM des cours. Ne serait-ce pas une forme d’obligation ?
Cela recouperait avec l’information présentée dans le précédent billet : « En ce qui concerne le e-learning, il existe plusieurs façons de travailler avec votre communauté pour vous assurer que le contenu est accessible à tous. Le premier, ironiquement, est de laisser vos apprenants seuls au début. Ils ont besoin de temps, sans pression, pour lire, regarder et s’entraîner avant de se sentir suffisamment en confiance pour interagir avec leurs pairs (même s’ils sont juste des débutants comme eux). Cela est dû au fait qu’il existe toujours un important manque de confiance chez pratiquement tous les apprenants : ils pensent qu’on va se moquer d’eux lorsqu’ils commencent (ce qui arrive d’ailleurs parfois et ne contribue pas à résoudre le problème).
Ensuite, lorsque vos apprenants sont prêts, ils peuvent commencer à interagir entre eux. Par exemple, vous pouvez les laisser comparer leurs résultats aux tests et leur donner des outils pour chatter, mais vous pouvez aussi les inviter à poser leurs questions directement depuis le contenu qu’ils sont en train de lire. Pour encourager cela, ils doivent être récompensés pour avoir cherché de l’aide, de même que les experts doivent l’être eux aussi pour avoir aidé. »
Ne faudrait-il pas justement les laisser choisir et plutôt les amener à faire ce choix. Faire en sorte de leur montrer que s’inscrire au site du zéro peut les aider et leur permettre de contribuer à la communauté plutôt que de les y emmener dès le début et les laisser grandir ensuite ?
Voilà, je voudrais simplement comprendre ce choix, par rapport aux explication de ces deux billets. :)
Merci d’avance et à bientôt !
olyte
Salut :)
En fait je ne vois (sincèrement hein) pas le rapport entre ce que je dis et ce que tu pointes ici.
Je fais référence à un fait très général : quand apprendre est une contrainte, ce n’est plus un plaisir. Beaucoup de problèmes liés à l’éducation partent de là.
Or, j’ai acquis la conviction ces dernières années que tout le monde aimait apprendre en continu. Lorsqu’on arrive sur le marché du travail, on a son diplôme et on a le sentiment d’avoir fini d’apprendre, ce qui est faux. Ce serait triste si on arrêtait vraiment d’apprendre vers 25-27 ans et qu’on se mettait simplement à exécuter des tâches… sans jamais faire travailler notre esprit et notre créativité.
Voilà pourquoi je pense que le système, tel qu’il est conçu en grande partie aujourd’hui, est une contrainte et n’est donc pas un plaisir… alors que tout indique qu’il devrait l’être !
La particularité c’est que personne ne t’oblige vraiment à aller apprendre sur un site web. Si ce site web te réclame de te connecter pour participer (que ce soit pour poser des questions, pour avoir un suivi de ton apprentissage via les qcm (oui c’est ce qu’on veut faire)), eh bien c’est le fonctionnement du site. Tu y participes de ton plein gré parce que tu as envie de le faire.
Je rappelle que sur tous ces sites qui font la une (edX, coursera), s’inscrire est obligatoire pour pouvoir accéder au moindre contenu. Pas chez nous. ;o)
Et dans tous les cas il y a quand même quelque chose d’extraordinaire : toute cette connaissance est accessible *gratuitement* aujourd’hui, en moins d’une minute. C’est un progrès énorme quand on pense qu’avant il fallait parfois voyager des jours avant de rencontrer le professeur qui avait la connaissance.
Merci pour ta réponse !
Mais attention hein, je ne remet en aucun cas en cause le site du zéro, c’est un site absolument fabuleux !!!! Justement parce que c’est gratuit, simple et accessible ! Et c’est ce qui m’a beaucoup plu lorsque je l’ai découvert. Et oui le site du zéro remet en cause tout le système éducatif existant. Parce qu’il est vrai et je le sais depuis que je suis à l’école (enfin on s’en rend compte au fur et à mesure que le temps passe) apprendre dans la contrainte c’est perdre son temps puisque l’on ne retient généralement pas beaucoup de chose. Tandis que si le cours est amené de façon intéressante et sans contraintes de temps, du moment de la journée, etc. et qu’il est accessible, par tous, quand on veut où l’on veut alors se sera entièrement bénéfique à l’apprentissage.
Mais j’ai encore du mal à voir ce que tu veux dire. Parce qu’un QCM, je reste persuadé que c’est essentiel dans un cours (QCM ou autre exercice) et tu dois certainement penser pareillement. On retient encore plus de choses en adoptant des exemples concret et en se satisfaisant de voir notre progression. Le fait de « bloquer » (désolé c’est un peu fort mais je n’ai pas d’autres synonymes en tête ^^ ) l’accès aux QCM, réservés uniquement aux membres, ne serait-ce pas un peu une contrainte ? De mon point de vue, je pense que si j’étais arrivé sur le site du zéro et que les QCM étaient inaccessible, du moins accessible qu’aux membres, cela m’aurait un peu rebuté ou déçu. Si, je pense qu’il y a bien un lien entre les deux : si je veux apprendre et que je suis contrains de m’inscrire alors que tout le reste du cours est accessible cela va me décevoir/rebuter. Ou alors, cela peut avoir l’effet inverse ? Et faire monter l’envie d’aller plus loin en s’inscrivant ? Finalement, je me suis embarqué dans une piste de réflexion un peu complexe. ou alors je créer des problèmes où il n’y en a pas… -__-
Désolé si je suis un peu long à comprendre, je ne voudrais pas te faire perdre ton temps…
Du coup, me viens des questions : qu’aller vous pouvoir tirer des informations de la progression de chaque membre sur chaque cours ? Comment vous pouvez traiter ces données ? Cela va permettre aussi au membre d’avoir ses propres statistiques ?
Que le membre puisse déjà avoir un aperçu de sa progression, ça sera très bien.
Au-delà, j’ai des idées comme regrouper des lecteurs pour qu’ils se motivent et avancent dans la lecture ensemble, mais ça se fera sur un plus long terme.
J’aimerais rebondir sur cette série d’articles sur les MOOC. Je pense qu’il est important de distinguer deux classes d’apprenants: ceux qui apprennent car ils en ont besoin (lien avec le cursus scolaire ou nécessité professionnelle) et ceux qui suivent un cours en loisir. Il n’est pas particulièrement compliqué de capter l’attention des premiers … mais la vrai compétitivité entre les MOOC, là où se situe le nerf de la guerre c’est d’arriver à capter la masse d’auditeurs « loisirs » et à les fidéliser. D’où la question comme faire en sorte que ce qui est à priori un labeur (apprendre) devienne un plaisir. Si ca a fonctionné pour les cours d’informatique c’est à mon avis du au fait que l’informatique amène à la création. Les cours d’info du SDZ permettent de créer (des programmes, des sites web, des images, des videos etc…), ca touche la part « homo habilis » qui est en chacun de nous. Et cette part là à tendance à être de moins en moins stimulée, dominée par l' »homo fluxus » (celui qui ne fait qu’apprendre, traiter de l’information, mais ne crée rien). Les cours qui peuvent réellement capter un maximum d’apprenants et surtout les garder sont ceux qui tombent justement dans ce côté « je m’amuse les jours de pluie » (cours de menuiserie, dessin, jardinage, informatique bref n’importe quoi qui puisse être un minimum mis en pratique). En fin de compte je suis persuadé que des cours de science de math ou autre ne rencontreront que peu d’adeptes si l’on n’arrive pas à en sortir quelque chose de pratique.
slt…je vous tire mon chapeau…félicitation…vraiment du brainstorming.