Panique à bord, l’heure de votre entretien d’évaluation a sonné. Qu’il soit annuel, semestriel ou trimestriel, il est souvent vécu comme un moment de stress. Pourtant, ses vertus sont nombreuses :
- Faire le bilan et revenir sur la performance d’une période donnée,
- Échanger des retours constructifs avec son manager sur la manière de travailler ensemble,
- Fixer des objectifs et un plan d’action concret pour la suite,
- Évoquer l’évolution au sein de l’entreprise.
Sarah Ben Allel est Head of People chez Qonto, une néo-banque B2B. Passionnée par les relations humaines et forte de 6 ans d’expérience dans les RH chez L’Oréal, elle a rejoint cette start-up en pleine croissance dans le but de co-construire sa politique RH : attirer, recruter et fidéliser ont été ses grands chantiers depuis le premier jour. Et avec une équipe qui est passée de 50 à 140 en moins d’un an et demi, elle a dû rapidement réfléchir à la manière de suivre l’évolution des équipes, notamment au travers des entretiens d’évaluation.
Alors, comment faire de l’entretien d’évaluation une opportunité ? Établir une discussion saine et constructive ? Mesurer les résultats et mettre sur pied un plan d’action pour grandir ? Sarah nous livre sa vision sur ces sujets utiles aux managers comme aux employés.
Un bilan factuel et constructif
Le point de départ de cet entretien : l’atteinte des objectifs de l’employé.
A-t-il réussi à atteindre les objectifs fixés par le manager ? Les a-t-il même dépassés ? Sur ce point, pas de surprise. Les résultats doivent être factuels.
“C’est le rôle du manager de fixer des objectifs clairs et mesurables pour son équipe (sous forme d’OKR par exemple). Et si ce n’est pas le cas, il ne faut surtout pas que les collaborateurs hésitent à être proactifs sur le sujet, proposer et ajuster si besoin ».
« C’est la clé pour parler le même langage et savoir exactement les sujets qui doivent être abordés en entretien. Personne n’est sensé tomber de sa chaise en apprenant ce qu’attendait son manager. Pour que cet entretien soit productif, il doit être un bilan d’éléments prédéfinis en amont.”
Au-delà des objectifs, l’entretien est l’occasion de regarder plus en détails les résultats pour prendre le moment de reconnaître les succès ou alors, lorsque les objectifs ne sont pas atteints, réfléchir à ce qui peut être mis en place pour la période suivante.
Cela étant dit, le seul mot d’ordre sur la teneur des échanges est qu’ils doivent être factuels.
“Le feedback doit être factuel. Et donc, amené avec des éléments et des exemples précis et circonstanciés. S’il ne l’est pas, il n’a pas de valeur”.
Comment s’y prendre ?
Il faut prendre le temps de préparer l’entretien en amont. Par exemple, l’employé peut venir avec les chiffres et résultats qui attestent de ses réussites :
“Apporter des chiffres pour quantifier le nombre de recrutements lorsque l’on est recruteur ou le nombre d’articles rédigés, de retombées presse ou de followers acquis par rapport à l’objectif lorsque si on est en charge de la communication ».
« Dès qu’on a de la donnée, les chiffres parlent. Ils sont utiles pour affiner la discussion et argumenter en vue d’une formation, d’une augmentation ou d’une prise de responsabilités”, assure Sarah.
Le conseil de Sarah : se replonger dans son agenda pour se rappeler de tout ce que vous avez mis en place, ou organisé (par exemple : l’organisation de tel événement etc.).
La revue des compétences
C’est aussi le moment de constater le niveau sur un sujet et les progrès faits.
D’abord sur les compétences métier, par exemple : un développeur qui aurait appris un langage informatique pour progresser dans son rôle. Ou au contraire, la personne qui serait en retard sur un projet à cause de sa maîtrise insuffisante d’un outil.
Ou encore sur les compétences interpersonnelles, qui font aussi l’objet d’une revue. Le manager peut faire un retour concret sur un comportement positif qu’il a noté : “je trouve que tu apportes une dynamique très positive à l’équipe en partageant quotidiennement tes nouvelles idées”, ou proposer un changement : “j’ai constaté que tu avais du mal à dire non et donc in fine à prioriser. Je pense notamment à telle situation il y a x temps dans x situation”.
“Et une fois ces constats dressés, il ne sont utiles que si un plan d’action est proposé par l’employé ou son manager.”
Quelles questions poser ?
- Si les progrès sont manifestes, comment la personne veut-elle aller encore plus loin ?
- S’ils sont encore insuffisants, quelle formation ou bonne pratique peut-elle suivre pour s’améliorer ?
Des retours mutuels
C’est enfin le moment de parler de la collaboration. “Au quotidien, on peut se donne des retours sur son travail mais on parle rarement de la manière de travailler ensemble et de collaborer. L’entretien est un moment clé pour en discuter que ce soit plus ou moins agréable à entendre” explique Sarah.
Même si cette dimension doit être illustrée d’exemples et rester la plus factuelle possible, elle implique aussi parfois des ressentis. “Voici ce que j’ai ressenti à ce moment-là”. De là découle une discussion et une suite d’ajustements pour voir comment mieux travailler ensemble, notamment si le retour était négatif. Dans tous les cas, deux mots d’ordre : objectivité et bienveillance.
“L’état d’esprit où chacun se trouve est décisif. Il est primordial de vouloir comprendre ce que l’autre nous dit, de l’écouter. C’est un dialogue, et ce peu importe la relation hiérarchique”.
Partager des retours, oui, mais toujours en lien avec le travail : “Anticipez si l’impact du feedback est important et utile, l’idée n’est pas de tomber dans un procès à charge !”
Une fenêtre sur l’avenir
Fixer des objectifs atteignables
C’est aussi le moment de s’aligner sur le programme des prochains mois. Les objectifs non atteints sont souvent remis sur la table avec un nouveau plan d’action. S’y ajoutent de nouveaux, en ligne avec ceux de l’entreprise et de l’équipe.
Lors de l’entretien, il est tout à fait possible, voire conseillé, de les commenter. Si l’un des objectifs semble trop élevé, le dire à son manager permet de désamorcer dès le départ des situations qui deviendraient compliquées par la suite. Ce dernier a ses propres raisons de le fixer (par exemple, une ambition économique), mais doit pouvoir expliquer comment il est atteignable. Dans le cas contraire, cela peut être le moment de réajuster ces cibles pour les rendre réalistes.
Solliciter une formation
“Si le salarié a besoin d’une formation pour réussir, il doit la demander. Lorsqu’il est force de proposition, il montre qu’il a conscience de ses atouts, mais aussi de ses axes d’amélioration, et qu’il est prêt à être acteur de son succès.”
Cet entretien, à fortiori s’il comprend des retours sur l’insuffisance d’une compétence, sert à établir le plan d’action pour redresser la barre. Et si une formation peut aider, elle doit être mise en place : “il est primordial d’accompagner les collaborateurs sur les compétences qu’ils ne maîtrisent pas assez pour être performants dans leur poste. Et la formation peut aussi être une récompense et pousser un collaborateur à découvrir de nouvelles choses”.
Que préparer ?
- Les arguments pour justifier que vous voulez monter en compétences sur tel sujet plutôt qu’un autre.
- Un benchmark des formations sur ce sujet, en motivant votre préférence.
Demander une augmentation salariale
L’entretien n’est pas forcément synonyme d’augmentation. Mais parfois, il permet d’aborder la question du salaire. Si les objectifs sont atteints voire dépassés, que le poste est complètement maîtrisé, que la personne prend de plus en plus de responsabilités, ou encore que la personne se considère en dessous du marché, alors le sujet est complètement légitime.
“Idéalement, il ne faut pas attendre que le salaire devienne un sujet de crispation et pour cela, c’est au manager d’anticiper.”
Le manager doit faire l’exercice en amont de préparer cette question, en collaboration avec les RH, en regardant certains points clés, comme par exemple :
- les dernières augmentations, l’évolution des collaborateurs
- les études de marché
- le positionnement par rapport à l’interne (sur des métiers similaires)
Si ce n’est pas le manager, les collaborateurs ne doivent pas hésiter à prendre le sujet en main : “L’une de nos salariées est venue me voir un jour en m’apportant les éléments suivants. Elle avait demandé à 5 personnes à poste égal, expérience égale et entreprise similaire leur salaire sur leur poste et elle avait quelques études qui montraient qu’elle était décrochée de 15% par rapport au marché. Elle a eu son augmentation”.
Le conseil de Sarah : aller voir des études de marché de salaires sur les sites de recrutement pour vous faire une idée plus précise de votre positionnement. Attention, il en faut plusieurs pour pouvoir se positionner.
Discuter de son évolution à moyen-terme
Enfin, l’entretien est une fenêtre sur l’avenir et permet de se projeter dans l’entreprise. Faire évoluer les meilleurs éléments est clé pour les fidéliser.
“Le point de départ pour aborder cette question, c’est simplement de demander à l’employé quelles sont ses aspirations. Veut-il manager ? Souhaite-t-il rester sur la même technologie ? Évoluer sur son poste ou changer de fonction ?”. Une fois ces éléments recueillis, l’employé sait que ses demandes d’évolution sont prises en compte, et le manager peut l’aider à construire sa carrière, mais pas seul : “Par la suite, la responsabilité de l’équipe RH, c’est de voir si à moyen-terme, une opportunité peut se libérer pour cette personne. Car avoir le réflexe de se tourner vers l’interne plutôt que vers l’externe permet entre autres de construire de belles carrières, qui motivent les talents, et les gardent engagés”.
“En conclusion, on peut se dire qu’importe le format, qu’importe la fréquence, l’entretien d’évaluation doit être un prétexte pour échanger, sur le passé mais surtout sur l’avenir dans le but de ressortir de ce moment clé plus motivé que jamais”
Pour aller plus loin :
- En savoir plus sur les techniques de feedbacks
- Fixer des objectifs sous forme d’OKR
- Le cadre légal de l’entretien professionnel
- Les trames d’entretiens personnalisables.